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Le peuple des roses

Le peuple des roses
©2007 Nathalie Séguéla

Il est un pays éloigné du nôtre, par l’espace et le temps, où la terre est aride et le soleil assomme de ses rayons. On m’a raconté un jour une histoire singulière qui s’y passa jadis, merci d’être là pour que je la transmette à mon tour.

Dans ce pays vivait un peuple, le Peuple des Roses. Ce peuple millénaire tenait son nom de l’unique fleur de toute la contrée qui se trouvait au cœur de l’unique village, et ce depuis toujours. Elle trônait là, sur le sable brûlant, d’où sortait une solide tige fière et résolue, se dressant au sommet une gigantesque fleur faite de milliers de généreux pétales…tous d’un rose différent. Tu imagines ! Chacun des habitants du peuple des Roses était lié à cette fleur par le soin qu’ils lui prodiguaient et l’amour qu’ils partageaient pour elle. Prendre soin de la fleur aux pétales roses était une tache importante impartie selon des règles fixes et déterminées par la reine du peuple des Roses. Ainsi, chacun à son tour et de manière perpétuelle, devait prendre soin de la fleur toutes les heures. On pouvait apercevoir une femme la protéger de son ombre, un plus jeune l’abreuver d’eau fraiche, ou même entendre un ancien lui fredonner des chants ancestraux…

La reine, entière, qui prenait à cœur de protéger la fleur et son peuple, avait écrit elle-même les lois du peuple des Roses, et elle avait décrété que la fleur était si fragile qu’elle devait être arrosée toutes les heures sans faute, sous peine de condamnation pour haute trahison.

Grâce aux efforts et à la discipline de tous, la rose était toujours aussi belle, du lever du jour à l’éveil de la lune. Pourtant un jour, un souffle d’insoumission leva légèrement le voile de cette vie si bien ordonnée : un des villageois se déroba à la règle, puis disparut.
Dans le village et tout autour on se mit à murmurer, sur l’intransigeance de la reine, sur ses fidèles serviteurs Kronys et Duwa qui ne manqueraient pas d’agir durement connaissant leur loyauté sans faille envers la reine.

Tout le monde sait aujourd’hui que la reine fut prise d’un profond chagrin, mise devant le fait accompli d’avoir à punir un de ses sujets et que sa légendaire détermination s’attrista. « Je fais mon travail de reine pour protéger mon peuple confia-t-elle à ses fidèles compagnons, je ne peux pas prendre le risque de laisser mourir cette fleur qui est le symbole de notre peuple transmis de génération en génération et je ne peux pas me résoudre à punir un de mes sujets car je les aime tous tant. »

Kronys et Duwa ne savaient que faire pour soulager la reine et conversaient des heures, des jours, des mois sans trouver de solution. Par un matin lumineux, on frappa à l’entrée pour annoncer qu’une petite pousse verte naissante était apparue juste à coté de la fleur aux pétales roses. La reine et ses fidèles se rendirent rapidement sur les lieux et ils virent en effet cette jeune pousse vert clair si près de la fleur aux pétales roses, que l’on devinait plus pâles. Tu peux t’imaginer cette reine emplie d’amour pour les siens et de conviction devant cette fleur  qu’elle avait toujours connue, ses deux fidèles compagnes derrière elle, regardant la pousse, s’inquiétant du devenir de la fleur aux pétales roses. C’est alors que des voix à l’unisson retentirent des buissons et le groupe de villageois qui était partie à la recherche du fautif apparut, ils l’avaient retrouvé. Il se tenait maintenant là, devant la reine, la regardant dans le vert de ses yeux vifs.

Elle remarqua qu’elle ne l’avait jamais vu auparavant, elle qui connaissait si bien ses sujets. Duwa lui souffla à l’oreille « il faut le punir, tu l’as décidé ainsi » et Kronys de murmurer « plus tu attends pour le punir, plus la rose en souffre ». La reine, confuse, demanda au fautif s’il voulait s’exprimer, il acquiesça et dit : « Tu ne me reconnais pas, Reine, pourtant j’ai toujours vécu ici, dans ton village, mais à chaque fois que je m’avançais pour te saluer, tu me tournais le dos. Parfois je t’ai frôlée, même touchée…en vain. Aujourd’hui je suis devant toi, à ta demande, et je veux te délivrer un message d’espoir » « Parle », répondit-elle, intriguée comme tu peux l’imaginer. « Si l’on coupe la rose fatiguée et que chaque habitant de ton peuple accepte l’offrande d’un pétale rose, la jeune pousse aura toute l’énergie de la terre, toute la lumière du soleil, toute la fraicheur de l’eau à venir pour grandir et devenir une fleur encore plus belle et grande, aux pétales mille fois plus nombreux et variés ».

La reine l’avait écouté parler, devant les yeux béats de tous ses sujets, devant la fleur rose, devant la pousse vert tendre, une décision se faisait attendre…tôt ou tard…
Tu sais ce que la reine fit, n’est-ce pas?

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